L'eau
Ne rendons pas l'eau boueuse :
Il semblerait qu'en aval un pigeon s'abreuve,
Ou qu'en un lointain bosquet un chardonneret lave ses plumes,
Que dans un hameau une cruche s’emplisse.
Ne rendons pas l'eau boueuse :
Peut-être va-t-elle, cette eau vive, jusqu'au pied d'un peuplier laver
la tristesse d'un cœur.
La main d'un derviche y a peut-être plongé son pain sec.
Une belle femme est venue au bord de la rivière,
Ne rendons pas l'eau boueuse :
Le beau visage s'est dédoublé.
Quel délice cette eau !
Quelle limpidité cette rivière !
Ces gens en amont que de grâce ils ont !
Que leurs sources bouillonnent, que leurs vaches donnent des flots de lait !
Je n'ai pas vu leur village,
Sans doute y a t-il au pied de leurs haies la trace du pied de Dieu.
Là-bas le clair de lune illumine l'étendue de la parole.
Sans doute, au village en amont, les murets sont-ils bas.
Les gens y savent quelle fleur est le coquelicot.
Sans doute, là-bas, le bleu est-il bleu.
Qu'un bouton éclose, les villageois sont au courant.
Quel village ce doit être !
Que ses chemins s'emplissent de musique !
Les gens du haut de la rivière comprennent l'eau :
Ils ne la rendent pas boueuse. Nous non plus
Ne rendons pas l'eau boueuse.
Poème extrait de VOLUME VERT de Sohrâb SEPEHRI
(traduit du persan par Tayebeh HASHEMI et Jean-Restom NASSER)
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