vendredi 29 août 2008

Sohrâb Sepehri : Palpitation du reflet de l'ami


S. Sepehri


Palpitation du reflet de l'ami

Jusqu'à la masse noire du village il restait du chemin.
La vive lune indigène, pure exégèse, comblait nos yeux,
La nuit peuplait nos manches.

Nous traversions une ravine sèche,
Les oreilles pleines de la parole des prairies,
Les sacs emplis d'échos de villes lointaines,
La rugueuse logique du sol filant sous nos pas.

Dans nos bouches ballottait la saveur du repos,
Nos souliers faits de prophétie nous soulevaient du sol avec la brise,
Nos bâtons portaient à l'épaule l'éternel printemps.
Chacun de nous avait un ciel en chaque méandre de sa pensée,
Chaque mouvement de nos mains s'accordait au tressaillement d'une aile attirée par l'aurore,
De nos poches émanait le pépiement des matins de l'enfance.
Nous étions une poignée de fidèles d'amour et notre route
Longeant les villages familiers du dénuement
Menait à une grâce sans limites.

Au-dessus d’un étang, d'elles-mêmes les têtes s'inclinèrent toutes :
La nuit s'évaporait sur nos visages
Et la voix de l'ami parvint à l'oreille de l'ami.


Poème extrait de VOLUME VERT de Sohrâb SEPEHRI
(traduit du persan par Tayebeh HASHEMI et Jean-Restom NASSER)

samedi 23 août 2008

Nul ne croit qu'il meure pour de bon




— Nul ne croit qu'il meure pour de bon,
S'il regarde la gerbe au soir de la moisson
Et la verse du grain dans sa main lui sourire.

René Char

vendredi 22 août 2008

Sohrâb Sepehri : peintures (8)









jeudi 21 août 2008

Sohrâb Sepehri : Frémissement du mot vie



S. Sepehri



Frémissement du mot vie

Derrière la pinède, la neige...
La neige, une poignée de corbeaux...
Le chemin signifie l'exil.
Le vent, le chant, le voyageur, et quelque envie de dormir...
La branche de lierre, et l'arrivée, la cour.

Moi, et triste, et cette vitre mouillée.
J'écris, et l'espace.
J'écris, et les deux murs, quelques moineaux.

Quelqu'un est triste.
Quelqu'un brode.
Quelqu'un compte.
Quelqu'un chante.

La vie signifie : un étourneau s'est envolé.
Qu'est-ce qui t’a rendu triste ?
Les joies ne sont pas rares : ce soleil par exemple,
L'enfant d'après-demain,
Le pigeon de l'autre semaine.

Quelqu'un est mort hier soir
Et le pain de blé est encore bon,
L'eau dévale encore, et les chevaux s’y abreuvent.

Les gouttes dans le courant,
La neige sur l'épaule du silence
Et le temps le long de l’épine dorsale du lilas.


Poème extrait de VOLUME VERT de Sohrâb SEPEHRI
(traduit du persan par Tayebeh HASHEMI et Jean-Restom NASSER)

mardi 19 août 2008

Apostille


lundi 18 août 2008

Chimère(s)




L'homme est une chose qu'apprennent les enfants. Une chose d'enfants.

Antonio Porchia

dimanche 17 août 2008

S. Sepehri : L'appel du commencement



S. Sepehri



L'appel du commencement

Où sont mes chaussures,
Qui a bien pu appeler : Sohrâb ?
Elle m’était familière, cette voix, comme l'air est familier au corps de la feuille.
Ma mère dort.
Ainsi que Manoutchehr* et Parvâneh** et peut-être tous les gens de la ville.
La nuit de juin s'écoule sur la pointe des secondes avec la lenteur d'une élégie
Et s’échappant du verdoyant liseré de la couverture une brise fraîche balaye mon sommeil.
Il y a comme une odeur de migration :
Mon oreiller est plein d’un bruissement de plumes d'hirondelles.

Ce sera le matin
Et dans ce bol d'eau
Le ciel émigrera.

Il me faut partir cette nuit.

Moi qui par la plus béante fenêtre ai parlé avec les gens d'ici,
Je n'ai pas entendu une seule parole dans l’air du temps.
Aucun regard ne s'est amoureusement fixé sur le sol,
Nul n'a été attiré par la vue d'un jardinet,
Personne n'a pris au sérieux la pie à l'orée du champ.
Et mon cœur se serre comme un nuage
Quand, de la fenêtre, je vois Houri
-la fille adolescente du voisin-
S’asseoir au pied de l'orme le plus rare sur la terre
Pour étudier son catéchisme.

Il y a tout de même des choses, des instants grandioses
(j'ai vu, par exemple, une poétesse
Si absorbée dans la contemplation de l'espace qu'en ses yeux
Le ciel a pondu.
Et une nuit d'entre les nuits
Un homme m'a demandé :
Jusqu'au lever de raisin, combien d'heures de route ?)

Il me faut partir cette nuit.

Il me faut cette nuit prendre ma valise
Qui est à l’aune de la chemise de ma solitude
Et partir du côté
Où l'on devine les arbres épiques,
Vers cette immensité sans mots qui ne cesse de m'appeler.
Quelqu'un a encore dit : Sohrâb !
Où sont mes chaussures ?

* Prénom masculin.
** Prénom féminin.



Poème extrait de VOLUME VERT de Sohrâb SEPEHRI
(traduit du persan par Tayebeh HASHEMI et Jean-Restom NASSER)

samedi 16 août 2008

Sensualité champêtre




jeudi 14 août 2008

Vacance(s) d'été, en Somme




Drame estival sur le théâtre des grandes marées.

mercredi 13 août 2008

S. Sepehri : Du vert au vert


S. Sepehri


Du vert au vert

Moi dans cette obscurité
Je songe à un agneau lumineux
Qui viendrait paître l'herbe de ma fatigue.

Moi dans cette obscurité
Je vois le prolongement humide de mes bras
Sous la pluie
Qui mouilla les premières oraisons de l'homme.

Moi dans cette obscurité
J'ai ouvert la porte aux prairies antiques,
Aux ors que nous contemplâmes sur le mur des mythes.

Moi dans cette obscurité
J'ai vu les racines
Et au tout jeune buisson de la mort, j'ai expliqué l'eau.


Poème extrait de VOLUME VERT de Sohrâb SEPEHRI
(traduit du persan par Tayebeh HASHEMI et Jean-Restom NASSER)

mardi 12 août 2008

Comme ces oiseaux brisant le vol de leur désir




Des ailes de pierre
Et des oiseaux de chair brisant ces formes sacrilèges
Pétrifiées sous le ciel en marche
Le ciel décoloré comme ta mémoire
Le ciel qui sait pleurer et rire comme tes yeux
Et l'espoir insensé montant en tourbillon
Comme ces oiseaux brisant le vol de leur désir
Et ma vie est suspendue dans le silence
De ces ailes de pierre immobiles
Déchiquetant ta face qui me reflète
L'espoir de pénétrer ta vie et de mourir
Comme ces oiseaux brisant le vol de leur désir.

Jacques Prével

lundi 11 août 2008

Sohrâb Sepehri : peintures (7)







samedi 9 août 2008

Calligraphie paysanne




mercredi 6 août 2008

S. Sepehri : L'adresse





L'adresse

"Où est la maison de l'ami ?" C'est à l'aube que s'enquit le cavalier.
Le ciel fit une pause.
Le passant offrit le brin de lumière qu'il avait aux lèvres à l'obscur des sables
Puis du doigt désigna un peuplier et dit :

"Avant d’atteindre l'arbre,
Il y a une traverse plus verte que le sommeil de Dieu
Où l'amour est aussi bleu que les plumes de la sincérité.
Tu iras jusqu'au bout de ce chemin qui débouche derrière l'adolescence,
Puis tu tourneras vers la fleur de la solitude.
À deux pas de la fleur,
Tu t'arrêteras au pied de l'éternelle fontaine des mythes de la terre ;
Là, une frayeur diaphane s'emparera de toi.
Dans l'intimité fluide de l'espace tu entendras un bruissement :
Tu verras un enfant perché sur un grand pin
Saisissant un poussin dans le nid de lumière
Et tu lui demanderas
Où est la maison de l'ami."


Poème extrait de VOLUME VERT de Sohrâb SEPEHRI
(traduit du persan par Tayebeh HASHEMI et Jean-Restom NASSER)

mardi 5 août 2008

Sohrâb Sepehri : peintures (6)

















lundi 4 août 2008

Iran : regards d'enfants (6)

Scène de la vie quotidienne dans une campagne.

Mostaphâ, 13 ans

samedi 2 août 2008

Et si un jour un homme se levait...




Et si un jour un homme se levait parmi les hommes
Et si un jour un homme s'avançait parmi les hommes pour être mon ami
Un homme assez pur pour m'éprouver tout entier
Un homme assez fou et assez vide de sens pour me comprendre
Un homme de ma race
Mais ayant brisé les échecs et les peurs
Et qui lirait à travers les années sans nombre
Un homme qui ne craindrait pas mes sarcasmes
Et qui ne craindrait pas ma haine
Peut-être sans épouvante
Peut-être le reconnaîtrais-je avant de basculer dans la nuit

Jacques Prevel

vendredi 1 août 2008

Sohrâb Sepehri : Ensoleillé


S. Sepehri


Ensoleillé

On entend le bruit de l'eau, que peut-on bien laver dans le ruisseau de la solitude ?
Le vêtement des instants est propre.
Sous le soleil du vingt huitième jour de décembre
Le bourdonnement de la neige, le fil de la contemplation, les gouttes de l’heure.
La fraîcheur est sur les briques, sur l'ossature du jour.
Que voulons-nous ?
La buée saisonnière enveloppe nos mots,
La bouche est la serre de la pensée.

Des voyages te rêvent en leurs ruelles,
En de lointains villages des oiseaux entre eux célèbrent ta présence.

Pourquoi les gens ignorent-ils
Que la capucine n'est pas fortuite,
Pourquoi ignorent-ils que dans les yeux du hochequeue d'aujourd'hui se trouve le reflet des eaux du fleuve d'hier ?
Pourquoi les gens ignorent-ils
Que l'air est froid dans les fleurs impossibles ?


Poème extrait de VOLUME VERT de Sohrâb SEPEHRI
(traduit du persan par Tayebeh HASHEMI et Jean-Restom NASSER)