Exil
La lune est au-dessus du village,
Les villageois sont endormis.
Sur la terrasse, je hume la brique crue de l'exil.
Le jardin du voisin, sa lampe éclairée,
Moi, ma lampe éteinte...
Lune rayonnant sur le plat de concombres, le bord de la cruche d'eau.
Les grenouilles chantent.
La hulotte aussi, parfois.
La montagne est proche de moi : derrière les érables, les sorbiers,
Et l'on voit le désert.
On ne voit pas les pierres, on ne voit pas les fleurettes,
Au loin l'on voit des ombres, telle la solitude de l'eau, tel le chant de Dieu.
Il doit être minuit,
La Grande Ourse est là : une coudée au-dessus du toit.
Le ciel n'est pas bleu, il fut bleu le jour.
Je dois me souvenir, demain, d'aller au verger de Hassan acheter des prunes
et des abricots.
Je dois me souvenir, demain, au bord de l'étang, de dessiner quelques chèvres,et des abricots.
Quelques armoises, leurs reflets dans l'eau.
Je dois me souvenir : tout papillon qui tombe à l'eau, vite le sortir de l'eau.
Je dois me souvenir de ne rien faire qui heurte la loi de la terre.
Je dois me souvenir, demain, au bord du ruisseau, de laver aussi ma serviette
avec la saponaire.
Je dois me souvenir que je suis seul.
La lune est au-dessus de la solitude.
Poème extrait de VOLUME VERT de Sohrâb SEPEHRI
(traduit du persan par Tayebeh HASHEMI et Jean-Restom NASSER)
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