jeudi 29 septembre 2011

Jusqu'à toi combien de poèmes


Note de lecture de Nelly Carnet pour la revue (en ligne) littéraire et artistique Temporel :

On croyait que les poètes de l’amour avaient presque disparu de la surface de la terre. Faut-il qu’une parole nous vienne d’un pays de l’Orient pour imaginer que le sentiment exalte encore la langue non sans souffrance ? « le poème / s’il me vient / cela veut dire / que ma belle n’est pas venue », nous dit Alireza Rôshan dans jusqu’à toi combien de poèmes. L’écriture est liée à l’absence de l’autre. La présence ôte tout besoin de rejoindre l’expérience solitaire de l’espace scriptural. Le poète fait revivre dans la souffrance de la perte l’amour qui le maintient en vie. La détresse amoureuse est encore plus aiguë lorsque l’on vit dans un pays chaotique. A une des trois questions posées par les traducteurs, Hashemi et Nasser, Rôshan répond que « dans les périodes de bouleversement, on va chercher la poésie. On se réfugie dans la poésie qui propose d’autres mots ». D’autres mots, la France, comme tous les pays dont la modernité a dépassé son seuil d’humanité, en aurait besoin. Mais certains prennent soin de ne pas les laisser s’exprimer. Des mots d’amour contre les mots du mercantilisme, du profit à tout va, du mensonge et de la manipulation à tout niveau de la société et sans aucune honte. De la profondeur contre la surface, du regard contre la fuite, de la lenteur contre la perte de soi… « ta beauté / est comme la lune / pour te voir / il faut veiller ». « j’ai la poésie / j’ai la souffrance / j’ai la séparation / je ne t’ai pas, toi / voilà ce que signifie avoir ». Le poète nous offre des feuillets détachés à l’amour et à celle qui l’inspire, « mer » et « nuit ». « jusqu’à toi / combien de poèmes / encore ». Dans le manque, l’amour est le fil conducteur, mais chaque feuillet, chaque poème, si bref, se lit en un seul souffle. « la solitude / ce n’est pas compliqué / c’est boire du thé / et c’est pleurer / en proie à la séparation ». Son amour parti, il l’attend, triste mais créatif. « elle m’a enflammé / et de moi / s’est détournée / pour ne pas brûler ». Entre passé et avenir, partir et revenir, le présent du poème vient occuper l’espace libre. Fermé au monde, ouvert à la perte, les yeux du poète ont besoin de l’aimée. Avec Rôshan, on retrouve la simplicité du discours amoureux, beau comme « l’amor ». « chaque poème / est une ride / sur la peau de mon âme / vestige de l’instant passé / moi avec le poème / je vieillis avec toi ».

Lien vers la revue Temporel


Note de lecture d'Antoine Emaz pour la revue (en ligne) Poezibao :

Rôshan est vraiment une découverte puisque ce jeune poète n’est pas encore édité en Iran, sauf sur Internet. Sa poésie amoureuse est marquée par la tradition persane, avec des thèmes récurrents : l’attente de l’aimée, l’absence, l’espoir… et des images qui peuvent parfois sembler un peu convenues (la lune, le vent, le désert…). Mais elles sont maniées avec délicatesse et voisinent avec d’autres poèmes plus directs parce que plus simples pour un lecteur français : « entre nous / le mur c’est moi / détruis-moi », ou « toi / tu t’en vas / moi / je referme la porte sur moi-même », ou bien encore « toi / toujours / tu es autre part ». La brièveté de la forme choisie pourrait faire penser au haïku, mais je pencherais plutôt vers les miniatures persanes du temps où le rapport amoureux n’était pas encore corseté par la religion. Néanmoins, la femme reste ici très éthérée, quasi sans corps. Mais rien n’empêche de faire une lecture symbolique de ces poèmes, de considérer par exemple que l’aimée est la liberté…

Lien vers la revue Poezibao

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