dimanche 3 mai 2009

Je me suis dépris




(...)
Il se dit : "Mais voilà, je me suis dépris, et il m'y a fallu du temps, mais je me suis dépris quand même."
Alors il est heureux, il ne voit qu'une chose : c'est qu'il est vivant. Il a des yeux qui lui servent à voir, une bouche qui respire, un corps (et il le tâte) pour aller comme il veut, où il veut, tant qu'il veut.
Il voit qu'il a une voix aussi qui lui revient, parce que les mots qu'il pense à présent se forment à mesure avec bruit sur sa langue; une voix qui va plus vite que lui et qui court en avant de lui pour l'annoncer comme ferait un chien.
(...)

Charles-Ferdinand Ramuz, Derborence

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